Un artiste en cuisine, rencontre avec le chef Simon Auscher

Simon Auscher, ce nom vous dit peut-être quelque chose. Après avoir été à la barre de deux restaurants parisiens, ce « cuisinier artistique » de 35 ans a opéré un tournant radical dans sa carrière. Désormais chef « sans restaurant fixe », Simon officie sur Instagram et pour des événements privés où il distille une cuisine solaire et épicée. Une cuisine héritée d’une éducation culinaire française très ancrée, métissée de notes camerounaises dont une partie de sa famille est originaire. Rencontre avec Simon Auscher.

Simon, vous vous définissez comme un « cuisinier artistique », quel a été votre parcours jusqu’ici ?

Simon Auscher : Je suis un peu un pur produit de la restauration. J’ai fait un bac général puis l’école hôtelière après un BTS et donc j’ai travaillé à droite, à gauche, notamment chez Jean-François Piège quand il a ouvert le Thoumieux ou chez Philippe Labbé à l’ouverture du Shangri-La. Puis j’ai ouvert mes propres restaurants à Paris : Tannat en 2015 et Anna en 2017. 

Qui est-ce qui vous a transmis la passion de la cuisine ? Une personne de votre famille ? 

S.A. : C’est dur à dire parce qu’en fait, ça vient de très loin. J’ai toujours aimé la « bouffe » et j’ai toujours aimé cuisiner. J’ai des souvenirs où je cuisine avec ma mère… À ce propos, j’ai deux anecdotes. Pour mes douze ans, mes parents me demandent ce que je veux comme cadeau d’anniversaire et je leur ai demandé un restaurant étoilé ! Ils m’ont emmené au Cerf à Marlenheim – j’ai grandi à Strasbourg -. Autre anecdote, à peu près à la même période, ma mère avait acheté tout ce qu’il fallait pour faire un lapin sauce bonne-femme – une recette qu’on adorait – mais elle était alitée suite à un accident de voiture. Donc je lui ai demandé de me dire comment elle faisait. Je suis allé en cuisine et elle m’a guidé à la voix. Je lui ai servi et elle a tellement aimé qu’elle m’en a redemandé. 

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En fait, vous aviez ça dans le sang…

S.A. : J’ai toujours su que je voulais être restaurateur. En tout cas je savais que je voulais cuisiner. L’envie d’avoir un restaurant est venue plus tard. C’est vrai qu’à l’origine, je sentais que ce n’était pas ce que mes parents avaient prévu pour moi. Donc pour leur faire plaisir, après mon bac, je suis parti faire une école de commerce et de finance à Londres mais au bout d’un semestre, je les ai appelés pour leur dire que ça n’allait pas être possible, que je ne savais pas ce que je faisais ici et que j’allais faire l’école hôtelière.

Qu’est-ce que « le repas » représente pour vous ? Est-ce une madeleine de Proust ? Qu’est-ce que ça suscite comme émotion chez vous ? 

S.A. : J’ai beaucoup de souvenirs et surtout des marqueurs forts autour du repas. Chez moi, on mangeait tous ensemble autour de la table. Il n’y avait pas de télé, c’était LE moment où on se retrouvait autour du repas de maman, puis – plus tard – des miens. Je me souviens aussi des repas de ma grand-mère maternelle au Cameroun où il y avait quelque chose de sacré dans le passage à table. Du côté de mon père, le repas était un peu plus bourgeois. Un quadriptyque « entrée, plat, fromage, dessert » à tous les repas. Donc oui, il y a toujours eu un « truc de bouffe » dans la famille. J’ai grandi dans une sacralité du repas, un moment au centre de nos relations. 

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Vous avez des origines camerounaises, vous êtes né en Côte d’Ivoire avant d’arriver à Strasbourg à 5 ans, cet héritage se retranscrit dans votre cuisine ? Comment la définiriez-vous ?

S.A. : C’est une cuisine un peu solaire ! J’ai un goût pour les épices et le soleil. Au quotidien, c’est vrai que j’ai toujours mangé très français, très classique. La nourriture camerounaise pour moi c’était lié à des réunions de famille, à des moments de fête. Parce que ça prend plus de temps, ce sont des ingrédients qu’on n’a pas sous la main au supermarché comme ça. Donc on mangeait des spécialités camerounaises à des moments bien particuliers. Et il y a un moment où ça m’a manqué. Ma relation avec le Cameroun, je l’ai sentie incomplète. Je me sentais clairement plus Français que Camerounais et je me suis demandé pourquoi. Et donc je suis allé chercher des choses un peu plus au sud. 

Comment ça se traduit ?

S.A. : Quand j’ai ouvert mon premier restaurant Tannat, j’ai mis à la carte un plat avec des épices camerounaises parce que j’avais besoin de mettre un peu de cet héritage dans ma cuisine. Et en même temps, c’est une cuisine complexe que je ne maîtrise pas du tout. J’en parle d’ailleurs avec ma mère. Quand elle et ma tante ne seront plus là, cet héritage risque de se perdre. Il faut qu’elles me le transmettent, qu’elles me l’apprennent sinon ça va disparaître. J’ai envie que ma fille puisse manger un Ndolé, un Mbongo…

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La transmission c’est aussi ça le sens de la cuisine. Et aujourd’hui vous avez trouvé un autre moyen de vous exprimer et de transmettre : Instagram. Vous êtes très actif sur ce réseau et vous êtes suivi par une communauté importante, pourquoi ce choix ?

S.A. : Il se trouve qu’avec mes associés nous avons vendu Tannat le 12 mars 2020. On a signé la promesse de vente quatre jours avant le premier confinement. On a eu de la chance ! J’ai passé ce confinement à la campagne avec mon épouse et ma fille de deux ans à l’époque et j’étais bien ! (rires) J’étais bien parce que je savais que la vente du restaurant allait aboutir et j’avais du temps. C’était la première fois de ma vie que j’avais le temps de réfléchir et de me poser. De prendre un peu de recul et de penser à la suite. Et puis, pendant cette période, mon épouse étant en télétravail, je m’occupais de notre fille toute la journée. Et là, on se rend compte que n’est pas assistante maternelle qui veut. (rires) C’était hyper dur, hyper intense. Et puis, à un moment, je me suis rendu compte que l’activité avec laquelle j’arrivais à retenir plus d’une heure de son attention, c’était la cuisine. 

Vous avez partagé votre passion avec elle et ça vous a donné des idées ?

S.A. : Eh bien oui, j’ai documenté cette première recette qu’on a faite ensemble. Je l’ai publiée sur les réseaux et j’ai eu énormément de retours amusés. C’est vrai que la recette n’était pas hyper réussie, mais le format et puis la façon dont je le racontais a beaucoup plu et donc c’est devenu un petit jeu avec ma fille, on s’est fait des recettes. Et puis quand elle en avait marre de cuisiner avec moi, j’ai continué à faire des recettes tout seul, même après le confinement.

Et comment vous êtes-vous dit que vous pourriez vous lancer sur cette voie du « cuisinier digital » ?

S.A. : J’ai reçu un grand nombre d’encouragements. Énormément de personnes me disaient que c’était super ce que je faisais et que je devais continuer. C’est né comme ça et ça va faire trois ans maintenant !

Vous aviez déjà une communauté ? Ou l’avez-vous constituée petit à petit ?

S.A. : J’avais 2500 followers à l’époque. Grâce aux restaurants qui marchaient très bien et à la couverture médiatique qu’on avait pu avoir. C’était d’ailleurs moi qui m’occupais de la communication des restaurants sur Instagram donc j’avais déjà un petit goût pour ça. Ce n’était pas une corvée, ça m’amusait.

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Vous nous décriviez votre cuisine comme solaire et ça se retranscrit bien dans les visuels des recettes que vous publiez. Quel est votre objectif lorsque vous partagez une recette ?

S.A. :  Ce que j’essaye de transmettre avec une recette sur Instagram, c’est de donner la possibilité à n’importe qui de la reproduire à la maison. Offrir quelque chose d’accessible, avec des ingrédients très simples mais une recette qui sorte un peu de l’ordinaire. Je veux que la personne se dise « Tiens c’est pas bête, j’y avais pas pensé ! ». Je vais chercher l’épice, l’herbe, la cuisson… le petit truc qui va faire la différence. Et puis il y a aussi cette envie d’être fier de ce que je fais. J’appelle ça « l’ego » dans la cuisine mais c’est vraiment important. Quand on reçoit un compliment, ça donne envie de refaire des choses pour les autres. C’est un cercle vertueux. Plus on apprécie cuisiner, plus on donne de plaisir aux autres, plus on prend de plaisir. 

Est-ce que vous construisez un dialogue avec les personnes qui vous suivent ?

S.A. :  Bien sûr ! Ils m’envoient des messages ou des photos des plats qu’ils ont faits. Et je sens que les gens sont contents de partager cela. Ils sont heureux de maîtriser une nouvelle recette, de rajouter quelque chose à leur répertoire qui ne va pas leur prendre 3h à mettre en place. Une recette qui va leur permettre de faire plaisir à toute la famille…

Aujourd’hui quelles sont vos activités ? Envisagez-vous d’ouvrir un nouveau restaurant ? Organisez-vous des dîners pour des particuliers ? Continuez-vous à 100% sur Instagram ? 

S.A. :  J’ai plusieurs activités. Instagram bien sûr qui est passé de la flânerie au cœur de mon métier. J’ai également une newsletter où je pousse la réflexion beaucoup plus loin (conseils, recettes…). En parallèle, je développe un projet d’émission de cuisine et je travaille beaucoup avec les marques. J’organise des dîners événementiels, des recettes en marque blanche, des opérations d’influence…

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Comment trouve-t-on son inspiration au quotidien ? Ça ne doit pas être évident de produire de nouvelles recettes, de construire un nouveau cheminement…

S.A. :  La première inspiration vient de la saison donc des produits disponibles. Et puis bien sûr, elle vient des autres, de ce que font les autres visuellement. Je ne vais surtout pas regarder leurs recettes, je risque d’être très influencé alors je pars de ce que visuellement ça m’évoque. En fait, les visuels m’inspirent énormément. 

Quels produits appréciez-vous particulièrement travailler ?

S.A. :  Les légumes ! Et en particulier, elle arrive bientôt, l’asperge. La saison dure deux mois, c’est très court, mais j’essaye d’en manger le plus souvent possible, sous toutes les formes possibles. J’adore cet aspect éphémère des produits d’exception.  

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Aujourd’hui, on a le sentiment qu’il y a un fort besoin de se reconnecter à une cuisine de saison. Une cuisine plus responsable, une cuisine de bon sens. Comment vous vous positionnez par rapport à ça ? 

S.A. :  Bien sûr que ça m’importe mais je m’efforce de ne pas être moralisateur. Je ne veux pas sermonner les autres parce qu’ils ont telle ou telle pratique. Je suis plutôt dans l’optique de dire que c’est mieux de faire comme ça mais je ne veux pas pointer du doigt celui qui mange une tomate en décembre. Cette personne a ses raisons et elles lui appartiennent. Après, comme je suis sensible à la saisonnalité des produits, je le stipule toujours. Par exemple, j’ai posté récemment une recette de tarte à la rhubarbe en disant « Soyez prêts ! Elle n’est pas encore là mais elle va arriver. ». C’est une manière pour moi d’inciter les gens à se tourner vers des produits de saison et si possible locaux. Mais en général, les personnes qui me suivent sont déjà assez engagées.

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La télévision a largement redoré l’image de la cuisine et popularisé la figure du chef. C’est presque devenu quelque chose glamour. Pourtant, c’est énormément de travail. C’est un métier qui est physique, parfois très dur, avec une pression et une hiérarchie importante… Quel regard portez-vous sur l’univers de la gastronomie aujourd’hui ?

S.A. :  C’est beaucoup de travail, beaucoup d’acharnement. Il y a un petit côté « névrose ». Il faut accepter d’avoir mal, de se couper, de se brûler, d’avoir mal au dos parce qu’on reste debout longtemps… Pourtant, aujourd’hui, les mentalités changent. C’est moins militaire, moins méchant et malsain que ça a pu l’être à une époque. La bienveillance est arrivée en cuisine. Je suis de cette « génération Cyril Lignac » qui est apparue avec ce genre nouveau d’émissions culinaires. Il avait cette fraîcheur. Personnellement, ça m’a beaucoup aidé à me dire : « En fait, je peux le faire ! ». Grâce à toutes ces émissions et à la starification de certains chefs, la cuisine n’est plus une tare, elle n’est plus une voie de garage pour ceux qui sont nuls au collège, pour les ratés. La cuisine, aujourd’hui c’est un choix. Le statut du cuisinier a changé.

Nous allons conclure cet entretien avec notre question fétiche : quelle est votre définition de l’art de vivre ?

S.A. :  Je pense que l’art de vivre c’est une libération. Ce n’est plus faire quelque chose parce qu’on nous a dit de le faire, c’est faire quelque chose qui nous met à l’aise parce qu’on a envie de le faire. Et puis l’art de vivre, c’est le partage, c’est la transmission. C’est trouver du plaisir à en offrir aux autres. 


Simon Auscher,
cuisinier artistique

Instagram : @simonauscher

TikTok : @simonauscher

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