Rencontre avec l’artiste Karine Lagarosse

Entre la terre et l’Homme, il y a un lien étroit, immense et fragile à la fois. Nombreux sont ceux qui le perçoivent, le ressentent, le vivent ; mais peu sont ceux qui parviennent à le traduire. Karine Lagarosse est de ceux-là. Capable de capter la sève des choses, sa main trace les contours du monde. Rencontre avec une artiste qui se laisse traverser par les énergies qui l’entourent.

Bonjour Karine, vous êtes une artiste particulièrement sensible à la matière et à l’environnement qui vous entoure… Quel a été votre parcours ?

Karine Lagarrosse, artiste : Mon parcours, je le ramènerais à l’histoire d’un lieu particulier. Ce domaine dans le Gers, cette propriété de Bas Armagnac où nous tenions nos réunions familiales et qui dominait un vignoble. Il y avait une vue panoramique exceptionnelle et à chaque fois que je venais, enfant, je savais que j’allais accéder à un monde de rêverie, d’échanges, d’amitiés…  enfin de profondeur. Avec ce monde, s’ouvrait la possibilité d’être soi.

C’est de cette propriété que vous vient le goût de l’art et de la matière ?

K.L. : J’ai la chance d’avoir grandi dans un univers familial qui était ouvert à des formes d’expressions artistiques. Mon père avait un penchant pour la matière, les matériaux, la sculpture. Là-bas, il y avait des carrières et nous nous amusions avec de l’argile. C’est là que j’y ai pris goût. D’ailleurs, au départ, je me définis comme sculptrice. J’aime façonner ce lien entre l’intime et la matière.

Quand et comment avez-vous su que vous alliez embrasser une carrière artistique ?

K.L. : Je le sais très vite. Je me rends compte que j’ai la possibilité d’être entourée, nourrie d’échanges multiples et complexes, et j’ai un regard constant sur le rapport aux formes et à la nature. De mes promenades d’enfant naissent alors des réflexions, des images. Et quand les vacances se terminent, je rentre avec elles et je ressens le besoin de les traduire par la matière. Et puis, en grandissant, je me destine plutôt à une formation d’architecte mais je reste toujours fascinée par le monde de l’image. Je sens que c’est le mien.

Vous vous tournez alors vers le dessin… Par quoi commencez-vous ?

K.L. : Dans un premier temps, je prends des buvards (c’est une façon pour moi de ne pas gommer) et je reproduis. Je suis très vite attirée par les grandes dimensions et je commence par le sacre de Napoléon de David. Je sens que j’ai besoin d’acquérir une certaine technique pour pouvoir être libre de raconter des histoires.

Vous avez entrepris une formation classique ?

K.L. : Comme je vous le disais, je me destinais plus à un cursus d’ingénierie ou d’architecture mais c’est ma professeure d’arts plastiques en seconde qui m’a incitée à poursuivre une autre voie. Je vais alors m’inscrire dans un cursus fac et beaux-arts à Bordeaux. En parallèle de mes études, je vais travailler au Conseil général et je vais m’engager dans différents projets. Je vais notamment devenir tailleuse de pierre et travailler avec les Compagnons. Je vais m’occuper des fac-similés (reproductions) pour la grotte de Niaux… Bref, j’ai toujours été fascinée par ce rapport entre le matériau et la forme.

Quelles sont vos sources d’inspiration et quel témoignage souhaitez-vous laisser ?

K.L. : Est-ce qu’on laisse une trace… ? Pour moi, il y a une exploration. Je vois l’art comme une découverte à travers le matériau. Qu’il soit modifié par la main de l’homme ou qu’il reste à l’état naturel, il reste un additif pour moi. C’est-à-dire qu’il peut faire naître de nouvelles formes. Je suis inspirée par la matière. J’essaie de rester en relation avec elle afin de lui faire raconter des histoires.

Au cœur de votre œuvre, l’arbre revient comme un sujet récurrent… Comment travaillez-vous aujourd’hui ?

K.L. : Plus encore que l’arbre, c’est la sève qui m’intéresse. C’est l’odeur de la sève qui m’inspire mes œuvres. Je ne fais jamais de dessins préparatoires ou de croquis, je n’ai pas de modèle sous les yeux, c’est la sève qui dirige ma main. Je laisse couler en moi mes sensations et mes perceptions. C’est un travail de mémoire, un travail de ressenti. Un travail qui se déploie au gré des différents contextes : géographiques, géologiques, climatiques ou autres…

Vous n’avez jamais d’idée précise de ce que vous voulez faire ?

K.L. : Je ne me pose pas la question de savoir ce que je vais faire. Je m’inscris plus dans un temps où je m’ouvre à la nature et je la laisse se déployer à travers moi.

Est-ce que vous devez vous plonger dans un état d’esprit particulier pour créer ?

K.L. : Non. Ni le lieu, ni les contraintes ne peuvent faire obstruction à la création. Si j’ai des feuilles et un crayon, je peux créer. J’ai des choses à dire alors je peux les dire dans n’importe quelles circonstances.

Quel rapport entretenez-vous avec vos œuvres ?

K.L. : Elles ne m’appartiennent pas. Un tableau qui est vendu fait son voyage. J’en conserve la mémoire certes, mais je ne l’ai pas fait pour moi. Mon voyage est celui de la création mais l’acquéreur d’une de mes œuvres va entreprendre son propre voyage avec celle-ci. Je demande toujours à mes clients s’ils continuent à voyager avec mes tableaux.  

Est-ce que vous conservez la mémoire de chacune de vos créations ?

K.L. : Bien sûr. Je me souviens du moment. C’est comme une photographie qui reconvoque des instants, des sensations de mon passé. Lorsque je vois une œuvre je me souviens de tout.

Est-ce qu’il y a une de vos œuvres que vous appréciez plus particulièrement ?

K.L. : Non. Mais plus généralement, ce que j’aime dans une œuvre, c’est l’impulsion qu’elle va donner pour la prochaine. C’est lorsque je suis sur une création et que je perçois la naissance d’une autre. Et certaines réalisations m’ont permis de faire ce bond vers d’autres univers.

Quelle voix portez-vous en tant qu’artiste ?

K.L. : En tant qu’artiste, on a la possibilité de se positionner sur certains sujets et de faire passer des messages. Je dois prendre du recul et me dire : « Là non, le propos peut être mal interprété ou mal véhiculé. ». Pour moi l’art se déploie dans un contexte social d’ouverture et d’engagement. Cela nécessite de bien réfléchir à ce que l’on va faire, à ce que l’on va dire. Cette exigence est très importante.

Quel regard portez-vous sur l’avènement de l’intelligence artificielle et son irruption dans le monde de l’art ?

K.L. : Je suis en train d’explorer cela justement et je trouve ça très intéressant. Je pense que si on reste dans l’esprit critique systématique et que, par peur, on n’appréhende pas l’IA comme on devrait l’appréhender, on passe à côté de quelque chose. C’est un outil qu’il est intéressant d’utiliser mais pas n’importe comment. Je m’exerce à parler avec l’IA, à penser et repenser mes interactions avec elle. Je me suis rendu compte qu’en travaillant les questions, je pouvais avoir une certaine influence sur cet outil, je peux modeler les réponses. Donc non, je ne suis pas réfractaire à l’IA et je ne m’y soumets pas puisqu’elle reste artificielle.

Pour conclure cet entretien, nous avons une question fétiche que nous posons à tous nos invités : quelle est votre définition de l’art de vivre ?

K.L. : L’art de vivre ? (Elle marque un temps.) Je crois que c’est le regard que l’on pose sur les autres. C’est observer, être là, au présent… sentir. L’art de vivre c’est sentir l’énergie qui traverse la matière et l’espace. Et puis si on ramène tout ça à l’architecture, j’ai toujours trouvé fort dommage que l’on ne construise pas à l’horizontale. J’aimerais que l’on offre aux gens l’art de vivre un espace, une lumière, une pensée.


Karine Lagarosse

Artiste

Site internet : karinelagarosse.fr

Instagram : @kl.artgalerie


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