La céramique, l’art subtil de la patience et de l’humilité

Céramiste autodidacte, Nicolas Bousquet Carbó façonne l’argile avec passion et sensibilité, s’efforçant de trouver le juste équilibre dans ses créations. Il explore les textures, les formes et les émaux, donnant naissance à des pièces quasi minérales qui transpirent une force brute.
Qui êtes-vous Nicolas ? D’où venez-vous et quel a été votre parcours jusqu’ici ?
Nicolas Bousquet, céramiste : Je ne suis pas du tout céramiste à l’origine ! J’ai d’abord fait des études de finances, donc rien de bien créatif. J’ai travaillé en finance de marché pendant 8 ans, à gérer les risques de change. Mais cet univers et le monde du salariat ne me plaisaient pas vraiment. J’avais besoin d’être indépendant. J’ai donc opéré une première bascule en montant une entreprise de diagnostic immobilier à Paris. J’ai repris des formations, passé des certifications et ça a été un gros challenge. Pendant 10 ans, j’ai été mon propre patron.
On est encore loin de votre activité de céramiste…
N.B. : Effectivement. Si la finance n’est pas une matière très créative, le diagnostic immobilier l’est encore moins. Ce sont beaucoup de normes, beaucoup de process… on est vraiment sur des rails. J’ai commencé à prendre des cours de céramique. J’avais envie de faire du tournage, de créer quelque chose de mes mains. J’ai intégré une association d’ateliers libres où le matériel et la matière étaient à disposition et ça m’a tout de suite plu ! J’ai acheté mon propre tour de potier que j’ai installé dans mon petit deux pièces et j’ai répété mes gammes. Il faut savoir que la céramique est une activité assez salissante donc je passais plus de temps à nettoyer l’argile qui tapissait les murs de ma chambre qu’à créer (rires) !
C’est pour ça que vous avez choisi de quitter Paris ?
N.B. : Je commençais à me sentir un peu à l’étroit à Paris, j’avais l’impression de tourner en rond. J’avais besoin de nature et d’espace alors je me suis mis à chercher une maison à la campagne, si possible au soleil. Je me suis mis en quête d’une maison et j’ai trouvé cet endroit où je suis désormais entre Pont-Saint-Esprit et Barjac dans le Gard en 2019.

Juste avant le Covid…
N.B. : Oui, ça a un peu précipité les choses puisque, à l’origine, cette maison devait d’abord être une résidence secondaire pour voir si la greffe allait prendre. C’était un gros changement pour moi. Le Covid est arrivé, je m’y suis confiné et je ne suis jamais reparti. Aujourd’hui j’ai un vrai atelier. En plus de mon tour, j’ai acheté un four qui me permet de cuire mes pièces pour ensuite les émailler… Je suis désormais totalement autonome sur tout le process de la production.
Quelle est votre matière de prédilection ?
N.B. : En céramique, il y a plusieurs types d’argiles : la faïence, le grès ou la porcelaine. Moi je travaille uniquement le grès. Je m’inscris dans une esthétique japonisante, de terre brute avec des émaux foncés et pour ça, le grès est parfait. C’est vraiment une matière qui permet de travailler la minéralité. Pour moi c’est toujours un compliment qu’on me dise : « On dirait de la pierre ! ».
Effectivement, on se demandait comment vous arriviez à créer toutes ces aspérités, ces cratères, tous ces petits détails sur vos créations.
N.B. : Eh bien tout ça c’est du travail, de la recherche et du temps ! J’ai développé des émaux pendant plus d’un an pour arriver au bon rendu, à la bonne nuance, à cet aspect un petit peu moucheté… Tout ça c’est de la chimie. C’est du travail d’oxyde, du travail de mélanges.
Comment est-ce que vous travaillez la couleur de vos créations ?
N.B. : À partir de mes propres émaux. L’émail, c’est un mélange de minéraux (de silice, d’alumine, de feldspath…) qui va vitrifier à la cuisson et recouvrir les parties ornementales comme alimentaire des pièces. Pour obtenir les couleurs, on va lui ajouter de faibles quantités d’oxydes métalliques (du fer, du cuivre, du manganèse…). C’est pour ça que je faisais le parallèle avec la chimie, parce qu’il faut un nombre incalculable d’essais avant d’arriver à trouver la composition exacte qui nous convient. Après, pour obtenir la couleur souhaitée, il y a d’autres difficultés comme la cuisson ou l’épaisseur d’émail appliquée sur la pièce. C’est très complexe et pas toujours évident.
Vous avez déjà eu des ratés ?
N.B. : Tout le temps (rires) ! La céramique est un métier qui apprend la patience et l’humilité. Il y énormément de paramètres à prendre en compte : les matières, le séchage, la cuisson… le temps, tout simplement ! L’échec fait partie intégrante de cet art. Parfois, une énorme fissure apparaît sur une pièce en fin de cuisson alors j’ai deux options… soit la détruire, soit faire du kitsungi (technique japonaise de restauration d’objets grâce à des jointures traditionnellement réalisées à partir de poudre d’or).
Quel genre de pièces produisez-vous ?
N.B. : Évidemment des objets utilitaires comme de la vaisselle (assiettes, bols, verres…) mais je me tourne de plus en plus vers des pièces sculpturales et décoratives. Au début je faisais des disques en 2D et puis je suis passé à la 3D en développant des sphères. C’est une technique un peu plus complexe. On ne peut pas réaliser ce type de formes avec un tour donc on doit employer d’autres techniques. J’utilise alors du modelage et des plaques que je réalise à l’aide d’une croûteuse – c’est comme un laminoir pour faire des pâtes – afin de réaliser ces sculptures en 3D.

À quoi ressemble la journée type d’un céramiste ?
N.B. : C’est ça qui est magique, il n’y a pas de journée type ! Un jour je vais faire du tournage, l’autre je vais faire du tournassage (permet d’enlever l’excès d’argile à la base des pots tournés), le surlendemain je vais travailler une sculpture à la plaque…
Qu’est-ce qui vous suscite une émotion particulière dans votre métier ?
N.B. : C’est l’ouverture du four. C’est comme un matin de Noël quand on arrive au pied du sapin et qu’on découvre ses cadeaux. Mais ce que j’aime particulièrement faire également, c’est façonner la pièce. Être dans la création de la forme, faire le tournage ou l’estampage (technique consistant à appliquer de la terre, en plaque ou en petits morceaux, sur un moule).
Où peut-on acheter vos créations ?
N.B. : En vente direct à l’atelier où j’ai un petit showroom, ou sinon par Instagram. Je peux également produire sur commande.

De La Cour Au Jardin est un réseau immobilier spécialisé dans les biens de charme et nous savons quelle intimité on peut nouer avec son lieu de vie. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette maison et pas une autre ? Quel rapport entretenez-vous avec elle ?
N.B. : J’avais beaucoup de critères au départ. Je voulais une maison en pierre, une belle vue sans vis-à-vis, du calme et la nature. Comme beaucoup de Parisiens, j’ai commencé à prospecter dans le Perche pour la proximité avec la capitale. J’ai trouvé ça bucolique, bocager mais pas assez sauvage à mon goût et trop humide pour moi. Je suis né dans l’Aude donc le soleil est important pour moi (rires). Je me suis donc tourné vers l’Ariège. Une région magnifique, sauvage mais, contrairement à ce que j’avais imaginé, il y avait peu de maisons en pierre. J’ai continué à chercher dans les Cévennes, puis en Ardèche. Et lors de mon séjour ardéchois, des amis m’ont dit d’aller faire un tour du côté de la Vallée de la Cèze dans le Gard. J’ai épluché les annonces et finalement je suis tombé sur cette maison. J’y suis allé et j’ai eu le coup de foudre ! Sans même rentrer dans la maison, je savais que c’était elle. L’environnement, la vue, la bâtisse… c’était exactement ce que je cherchais.
On a une question fétiche qu’on pose à tous nos invités : quelle est votre définition de l’art de vivre ?
N.B. : Je ne m’étais jamais posé la question… (il réfléchit) Je ne sais pas si ça peut répondre à votre question mais je me suis dit un jour qu’il fallait arrêter de se priver d’utiliser de belles choses au quotidien par peur de les abîmer. Alors que je suis céramiste, pendant très longtemps, je ne mangeais pas dans les assiettes que je créais. Je les vendais mais je ne les utilisais pas. Pour moi l’art de vivre c’est la cohérence entre ce qu’on est et ce qu’on aime. Ça ne sert à rien d’avoir de beaux vêtements si c’est pour les laisser dans la penderie. Le beau et le fragile peuvent et doivent être dans le quotidien.
