Rencontre avec Arnaud Brument, galeriste

Personnage singulier, débonnaire et affable, Arnaud Brument est un galeriste au parler franc dont l’œil pétille et les idées fourmillent. Avec son atypique galerie Incognito Artclub et son concept original, ce collectionneur passionné et conseil averti a de nombreuses cordes à son arc. Rencontre avec un travailleur de l’art.

Bonjour Arnaud et merci de vous prêter au jeu de notre interview « Art de vivre ». Parlez-nous de vous, qui êtes-vous, que faites-vous dans la vie ?

Arnaud Brument : Je suis Arnaud Brument et je dirige l’Incognito Artclub, une galerie d’art située à Saint-Germain-des-Prés à Paris. Je suis également expert en art moderne, art contemporain et art digital lors de ventes publiques, essentiellement pour l’Hôtel Drouot. Je suis enfin intervenant dans plusieurs écoles de commerce pour le domaine du marché de l’art.

Nous aimerions revenir à la genèse de votre parcours, comment en êtes-vous arrivé à travailler dans le domaine de l’art ?

A.B. : Tout commence lors de mes études en sciences économiques et sociales à Assas en 1987. En parallèle de mon cursurs universitaire, je travaille à la Bourse de Paris, au MATIF (Marché à terme international de France). Et un soir, je suis invité par un copain à un vernissage dans le Marais. Je ne sais absolument pas de quoi il s’agit et j’y vais. Ok, c’est sympa, il y a des filles, des garçons, des tableaux, à boire, à manger… je trouve ça rigolo. Et puis je tombe sur un dessin qui attire mon attention. L’artiste est là et je discute avec lui. Je vais alors acheter ma première œuvre et c’est là que tout commence.

Vous n’étiez pas du tout destiné à suivre cette voie…

A.B. : Absolument pas ! Personne dans ma famille travaillait dans ce milieu. J’ai commencé tout seul en achetant des œuvres, en revendant certaines pour m’en payer d’autres… Et de fil en aiguille, en 1990, en parallèle de mon travail à la Bourse, j’ouvre ma première galerie dans le XVIe arrondissement. Manque de bol, le 4 août 1991, l’Irak envahit le Koweit et là c’est le drame. L’économie s’arrête. La crise de 2008 c’est de la rigolade à côté. L’immobilier s’effondre de 50-60%… C’est un cataclysme. Alors inutile de vous dire que, dans ce contexte, plus personne ne s’intéresse à l’art !

Et comment avez-vous réussi à traverser cette période ?

A.B. : Entre 1990 et 1998, c’était délicat mais j’ai continué à travailler à la Bourse pour compenser. Et puis le marché de l’art s’est relevé au début des années 2000 et je n’ai fait plus que ça. Pour des raisons familiales, je me suis séparé de ma galerie et j’ai travaillé en bureau pendant quelques années – un peu comme un « Art dealer » new yorkais (marchand d’art) – avant de trouver cet espace dans lequel je suis actuellement : l’Incognito Artclub.

Vous avez une galerie particulièrement atypique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept de l’Incognito Artclub ?

A.B. : Je tombe sur cet endroit à Saint-Germain-des-Prés, un local de 5m de long pour 1m de large et 5m de hauteur sous plafond. Vous savez comment se passe la vie d’une galerie ! Les gens viennent aux vernissages, ils regardent les œuvres, boivent un coup et puis finissent sur le trottoir à discuter. En dehors de ça, c’est souvent calme et le temps peut être un peu long. Donc je décide de créer un club privé auquel vous pouvez accéder à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit grâce à un système de carte magnétique. Sans être membre du club, vous aviez toujours la possibilité de venir aux vernissages ou sur rendez-vous.

Donc les membres du club payent un abonnement ? Comment ça fonctionne ?

A.B. : Non, ils paient leur carte de membre qui est réalisée par un artiste et qui leur offre un accès privilégié à la galerie. L’idée pour moi c’était de ne pas être dépendant d’horaires. Chacun fait comme il l’entend. Bien sûr, si vous n’avez pas les moyens d’acheter la carte (n.d.l.r. la carte est à 5000€), ce n’est pas un problème ! La galerie est vitrée, donc visible de l’extérieur et si vous voulez la visiter, vous m’appelez et on prend rendez-vous.

Quel style d’art peut-on voir chez vous ?

A.B. : Je présente de l’art contemporain, des années 1960 à nos jours. Et j’ai deux « spécificités » : les très jeunes artistes et les très vieux !

Vous dénichez alors des talents ?

A.B. : Souvent, c’est la première fois qu’ils exposent quand ils viennent chez moi. En ce moment je travaille avec l’École des Beaux-Arts de Monaco. Je remets un prix à un artiste qui vient d’être diplômé et je l’expose. Ces artistes sortent de l’école, ils n’ont encore jamais travaillé « en entreprise ». C’est leur première expo en galerie et donc je leur offre une première ligne sur le CV si vous voulez. Après je peux participer à la production d’œuvres ou non, en tout cas l’espace leur appartient, ils en font ce qu’ils veulent.

Toutes les œuvres que vous présentez sont-elles en vente ?

A.B. : La plupart du temps oui. Les artistes qui sortent des Beaux-Arts n’ont pas forcément de notion commerciale donc je les accompagne sur cet aspect s’ils le désirent. Mais si les artistes fixent eux-mêmes un prix à leur œuvre, même si celui-ci ne me semble pas cohérent, je m’y plie.

À quelle fréquence faites-vous des expositions ?

A.B. : Tous les mois. En ce moment je présente B-59, une exposition d’Agathe Rousseau et Isaac Elbaz. On y trouve trois œuvres inspirées d’un événement de la Guerre froide quand, en 1962, en pleine crise des missiles de Cuba, un sous-marin nucléaire russe coupé de sa base, ne sachant pas si la guerre avait éclaté doit prendre la décision ou non de lancer une torpille nucléaire. Bref, c’est une exposition sur l’incertitude, la fragilité, la puissance des décisions et leurs conséquences.

À chaque fois vous mettez à l’honneur un artiste ou un collectif ?

A.B. : Je peux monter un projet avec un artiste comme je peux faire une thématique – le bleu par exemple – ou encore exposer des œuvres de « vieux » artistes comme je vous le disais tout à l’heure. Par « vieux » j’entends que le temps passe et qu’ils nous quittent. Depuis que je fais ce métier, j’ai pu constituer un stock conséquent. On peut y retrouver des artistes qui ne sont plus de ce monde comme Arthur Aeschbacher, Ben Vautier ou Jacques Villeglé. Donc oui, je fais également des expositions à partir d’œuvres qui m’appartiennent.

Ce stock est-il destiné à votre plaisir personnel et celui de le montrer ou a-t-il vocation à être vendu ?

A.B. : Les deux mon général ! L’idée a priori c’est quand même de vendre les œuvres mais, dans l’art, la temporalité des œuvres et de leur valeur est très fluctuante. Vous êtes lié à la carrière de l’artiste.

Est-ce qu’il y a des œuvres dont vous n’envisagez pas de vous séparer ?

A.B. : Les œuvres que mes enfants possèdent. Eux pourront s’en séparer s’ils le souhaitent.

Est-ce qu’il y a un artiste avec lequel vous avez travaillé qui vous a profondément marqué ?

A.B. : Celui que je regrette le plus aujourd’hui c’est Ben. Je bossais avec lui, j’allais souvent le voir chez lui à Nice. C’est une histoire particulière pour moi.

Chez vous, dans votre lieu de résidence, vivez-vous au milieu d’œuvres d’art ?

A.B. : Alors pour vous répondre de manière un peu détournée, le plus important dans l’art c’est le stockage. Ma galerie est toute petite, je n’ai pas la possibilité d’y stocker quoi que ce soit. Donc je loue un atelier d’artiste avec une chambre, une cuisine, un bureau et un espace de stockage pour mes œuvres. J’ai commencé à y organiser des apéros dînatoires où j’essaie d’inviter des gens un peu différents. L’idée n’est pas de vendre, ni même de présenter les tableaux mais de passer un petit moment convivial entouré d’œuvres d’art.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite investir dans l’art ?

A.B. : Je n’ai aucun conseil ! Je vais vous dire, sur dix artistes, il y en a 3 qui disparaissent, 4 qui n’évoluent pas, 2 qui fonctionnent et 1 qui marche très bien et vous n’avez aucun moyen de le prédire. Tout est une question de hasard. A l’époque, j’avais exposé Invader qui m’avait donné – gratuitement – ses « cartes d’invasion ». Vingt ans plus tard c’est devenu une star et ces cartes ont pris une valeur de dingue. Les œuvres d’art c’est un peu comme une main au poker. On ne sait pas si on a du jeu alors il ne faut pas s’énerver !

Enfin, Arnaud, avant de nous quitter, nous avons une question fétiche pour clore nos rencontres : quelle est votre définition de l’art de vivre ?

A.B. : L’art de vivre c’est un peu ce que je fais… J’ai la chance de ne faire que des choses qui me plaisent. Je suis un peu comme un chanteur qui aurait un peu galéré au début et qui a trouvé son créneau, sa voie. Je me laisse porter sans trop de contraintes.


Incognito Artclub

16 rue Guénégaud – 75006 Paris

Expostion en cours : B-59 des lauréats du Prix Bosio incognito 2024 Agathe Rousseau & Isaac Elbaz

Instagram : @incognito24h24

Site internet : incognito.paris


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